"Goëznou, se mettant le dernier en marche, bâtit son oratoire en un lieu appelé la Lande, à quatre mille pas de la cité des Osismes : on le nomme maintenant le Peniti Goëznou.
Il y a dans ces régions un passage marin, resserré et court, qui permet de traverser vers Crozon depuis Ac’h. Son nom est Murlgul, ce qui signifie « goulet de mer », ou « mauvais goulet » pour la raison que, les terres se rejoignant presque, car seulement séparées l’une de l’autre par un espace peu large, la mer ne cesse de refluer depuis l’Océan par le goulet à très grande vitesse. Et, après avoir passé cette gorge, elle forme un très grand plan d’eau en forme de lac et se répand en de nombreuses plages et rades. Du fait de la vitesse avec laquelle la mer flue et reflue sans cesse à travers le goulet, l’endroit est appelé Occismus, car le grec ocis signifie « vitesse » en latin, et l’on peut convenablement dire « mouvement vite » pour Occismus. Les peuples des alentours sont appelés Osismes, et [leur cité] « cité des Osismes ».
Parce que, selon une ancienne coutume, 6 666 hommes
de guerre avaient l’habitude de s’y trouver, soit l’effectif d’une légion selon
les Romains, le pays aussi bien que la cité sont appelés par leur nom propre Legiona, d’où « Cité des Légions »
que l’on trouve dans certains manuscrits ; mais, peu après, ce pays, par
abréviation de son nom, est appelé Léon"
Le passage ci-dessus figure dans la vita de Goëznou, dont le texte n’est plus connu dans son intégralité. L'ouvrage connaît aujourd’hui encore une certaine célébrité, alors même que l’historicité du personnage, comme c’est le cas pour presque tous les saints « bretons » de la période héroïque, est inaccessible. Cette relative notoriété est principalement la conséquence d’une controverse ancienne et durable sur la date de composition de la vita : controverse de pure histoire littéraire, mais dont les enjeux idéologiques se sont rapidement révélés bien plus importants que le texte qui l’avait fait naître. Plus généralement, il s’agit, au travers de ce cas particulièrement discuté, sinon même disputé, de confronter un texte dans sa dynamique de déperdition d’informations, aux différentes interprétations, parfois malencontreuses, qu’en ont faites certains historiens: les excès qui se remarquent à cette occasion doivent inciter à appliquer la même démarche critique à l’ensemble de la littérature hagiographique, notamment en Bretagne où la geste des saints se déroule entre légendes et histoire.
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