Un intitulé porteur de controverses

Le terme Armorique et le qualificatif "gallo-romain" qui lui est ici appliqué sont l'un et l'autre controversés. Armorique en effet désignait à l'origine une partie importante du territoire de la Gaule celtique, qui s'est même étendue au bas-Empire assez largement à l'intérieur de cette dernière, au mépris donc de l'étymologie, avant de connaître par la suite une sorte de rétraction pour ne plus désigner que la seule péninsule armoricaine assimilée finalement à la Bretagne continentale. Le processus, pour lequel on dispose de témoignages d'écrivains bretons continentaux tel Uurdisten au IXe siècle à Landévennec, était en tout cas achevé vers 1130, car on le trouve décrit dans le chapitre 92 de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth : in minorem Britanniam, quae tunc Armorica sive Letavia dicebatur (En petite Bretagne, alors appelée Armorique ou Létavie). Cette terminologie "inventée" par Geoffroy de Monmouth, à qui la reprend aussitôt Robert de Torigni (... quae antiquitus Letavia sive Armorica vocata est), a connu un succès durable au Moyen Âge dans la sphère des lettrés et en particulier chez les hagiographes bretons.

Quant à l'adjectif "gallo-romain", il s'agit d'une invention française du XIXe siècle qui, si l'on en croit une certaine école historique actuelle, consisterait, au travers du constat masochiste de leurs descendants, à situer les Gaulois dans une perspective coloniale d'assujettissement à une civilisation réputée supérieure, celle de Rome : cette critique est sûrement très profitable au débat historiographique ; mais l'adjectif "gallo-romain" demeure suffisamment "commode" et explicite dans son acception traditionnelle pour que nous ne renoncions pas à l'utiliser ici.

vendredi 21 octobre 2022

Manifeste "Du gallo en Haute Bretagne"

Nous faisons écho, de manière exceptionnelle, à un manifeste signé par plus de 350 pétitionnaires (personnes physiques ou morales) en faveur du gallo en (Haute-)Bretagne, manifeste qui peut être consulté et téléchargé sur le site internet dédié : https://dugaloenbertegn.bzh/fr/le-manifeste.

Les préoccupations évoquées dans ce manifeste semblent avoir reçu par avance une illustration dans notre notule sur « Les ‘’communes nouvelles’’ et la néo-toponymie en Bretagne : le cas du Coglais », publiée sur le blog Variétés historiques et téléchargeable en pdf sur notre page academia.edu.

L’un des principaux problèmes posés concerne la méconnaissance, ou le mépris, autant par le monde politique que par celui du marketing, de la dualité historique bretonne, linguistique et culturelle, dont Edmond Coarer-Kalondan s’était jadis efforcé de rendre compte au travers de la formule empreinte de poésie : « Bretagne est miroir à deux faces ».

Plus encore et surtout de manière plus spécifique, tandis que l'archéologie nous (dé)montre chaque jour un peu plus la durable empreinte romaine à l'ouest comme à l'est de la péninsule armoricaine, nous sommes régulièrement amenés à faire évoluer nos schémas d'interprétation quant à la façon dont les confrontations linguistiques entre gaulois, latin, breton et même francique ont pu s'opérer, depuis l'Antiquité tardive et durant le Haut Moyen Âge, selon que les territoires étaient occupés, contrôlés, par des autochtones ou bien par des allogènes ou encore par des populations plus mélangées : qui ne voit que la langue gallèse occupe en conséquence, à l'égal du breton, une place de témoin privilégié de ces mutations et de l'histoire culturelle de la Bretagne ? Qui ne voit, sinon celui qui ne veut pas voir ?